Le
canal du Nivernais.
Le
canal du Nivernais, reliant Saint-Léger-des-Vignes à
Auxerre (174 km) est
inauguré le 15 mars 1841. Il avait été
commencé sous l'Ancien Régime, en
1784 : son but
initial était de favoriser le flottage des bois du Morvan
jusqu'à
Paris. Les premiers aménagements ont été
une rigole de flottage entre l'étang
de Baye et l'Yonne, un
port sur l'étang de Baye, l'élargissement du ruisseau
de
Baye jusqu'à son débouché dans l'Aron et la
canalisation de l'Aron de Châtillon
-en-Bazois à
Cercy-la-Tour. Les premiers travaux se sont faits très
lentement,
les ingénieurs découvrant des difficultés
imprévues lors du percement du
tunnel.
En
août 1790, l'ingénieur Bossu établit un projet
nouveau : il s'agit de relier
Decize à Cravant (c'est-à-dire
la Loire à l'Yonne) par un véritable canal
accessible à
des bateaux de plus de douze toises de long (environ 24 mètres).
Mais la Révolution renouvelle les responsables politiques et
l'activité
économique est perturbée ; les
travaux sont suspendus ; ils reprennent
momentanément en 1809
pour être interrompus en 1812. Ce n'est qu'en août
1822
qu'une loi ordonne la reprise et l'achèvement des travaux. En
1834, la
navigation est ouverte entre Decize et Cercy ; en 1841, le
bief de partage est enfin ouvert .
Le
canal du Nivernais est pendant les années 1830-1880 partagé
entre deux
catégories d'utilisateurs : les flotteurs, qui ont
besoin de lâchées d'eau
périodiques pour
faire descendre leurs bûches à Clamecy ou à
Auxerre ; les
mariniers qui réclament une alimentation en eau
régulière des biefs. Les
premières écluses
sont encore fermées par des aiguilles de bois, ce qui
rend
leur franchissement très lent.
A
Decize, l'ouverture du canal signifie une modification du port
charbonnier ; il
quitte La Charbonnière de Saint-Léger
pour s'installer à La Copine, près de
Champvert ; c'est
là qu'un petit train descend le charbon depuis l'usine de
triage du Pré Charpin (les convois d'ânes et de boeufs
disparaissent). Sur trois
kilomètres, jusqu'à sa
jonction avec la Loire, le canal est emprunté par les
péniches
de charbon qui descendent à Imphy, à Fourchambault,
voire à
Nantes.
Saint-Léger,
qui a perdu le port charbonnier, charge des bouteilles de la
Verrerie, qui partent à Reims, des sables et des plâtres.
D'autres
marchandises viennent des confins du Bazois, du Morvan : du
bois, du
charbon de bois, de la terre glaise, des pierres à
bâtir.
Le
canal latéral à la Loire.
Le
canal latéral à la Loire, de Digoin à Briare,
est ouvert à la navigation le 17
décembre 1837. A
l'origine de ce canal, il y a une constatation : le fleuve est
trop
irrégulier pour permettre une navigation continue. Pendant
près d'un demi-
siècle, d'importants groupes de pression
vont se heurter pour inciter les
gouvernements successifs soit à
construire un canal latéral de Roanne à Nantes (ce sera
la thèse développée par Auguste Mahaut ),
soit à faire
draguer le fleuve et continuer la navigation
traditionnelle (ce sera la thèse des
entrepreneurs de bateaux
à vapeur Inexplosibles et des industriels de
Touraine).
Très
vite, avec le développement industriel, le canal l'emporte sur
la Loire :
tonnage tonnage nombre de
à
la descente à la remonte bateaux
1845 36571,6
T 29474,1 T
1846 38872
T 30044 T
1847 60812
T 40920 T 1492 + 1185
1848 40286,2
T 22736 T 946 + 1001
1849 62592
T 13336 T 1093 + 859
1850 65368
T 29229 T 1398 + 964
A
l'écluse de l'Acolin, le tonnage se répartit ainsi en
1849 :
-
houille : 78800 T (83% du tonnage)
-
fer et fonte : 7514,6 T
-
plâtre : 4358 T
-
charbon de bois : 3782 T
-
vins : 1313 T
A
la satisfaction des élus nivernais, l'ingénieur de la
navigation tire un bilan très positif de cet ouvrage. Le canal
latéral à la Loire "forme le noeud d'une double
communication de la Méditerranée avec l'Océan et
le lien de trois grands entrepôts : Lyon sur le Rhône
d'une part, avec Orléans sur la Loire, et Paris sur la Seine
de l'autre". Il permet de "développer toutes
les forces productives du pays que le canal parcourt, en facilitant
et assurant l'approvisionnement de toutes les industries locales,
l'élevage et l'exportation de leurs produits ".
Or
Decize se trouve presque au centre de ce réseau, et le canal
du Nivernais permet d'autres débouchés. Encore faut-il
relier les différentes voies navigables. Un canal de jonction
est creusé entre Saint-Maurice et la Loire ; une enquête
de commodo vel incommodo est ouverte à la mairie
; si la plupart des habitants sont favorables à cette
jonction, ceux de la Saulaie se plaignent, car la longue digue
insubmersible élevée sur la rive opposée entre
le pont du faubourg d'Allier et Chevannes risque de rejeter le cours
du fleuve de leur côté.
Les
bateaux peuvent maintenant déboucher dans la Loire. Mais
d'autres difficultés doivent être surmontées. En
période de basses eaux, les péniches passant d'un canal
à l'autre, trop lourdement chargées, sont bloquées
par les bancs de sable du chenal de la Loire. Un barrage est
nécessaire pour relever le niveau d'eau entre la Jonction et
Saint-Léger.
Le
barrage de Decize-Saint-Léger-des-Vignes.
En
1834, l'ingénieur Poirée a construit à
Basseville, pour permettre la traversée de l'Yonne, un barrage
mobile à fermettes. Deux ans plus tard, un ouvrage similaire
est construit en aval de Decize ; le site choisi est situé
juste à l'entrée du canal du Nivernais, en face de la
Verrerie de Saint-Léger, à 500 mètres en aval de
la pointe des Halles. Sur la rive gauche de la Loire, une chevrette
submersible permet l'écoulement des fortes crues ; 97
fermettes mobiles, espacées entre elles de 96 centimètres,
permettent de barrer la passe ; des aiguilles verticales en bois
s'appuient contre ces fermettes. Selon le débit de la Loire,
on remonte ou l'on baisse le nombre de fermettes nécessaire
pour assurer un niveau suffisant dans le chenal navigable, et pour
laisser passer les eaux du fleuve.
Le
chenal navigable, long de 2100 mètres, permet aux péniches
de rejoindre la Jonction. Les bateaux sont halés par des ânes,
des chevaux, ou des hommes ; pour franchir la Loire entre le barrage
et la pointe des Halles, une barque transporte une extrémité
d'une longue corde, qui est reprise par des haleurs situés le
long de la promenade des Halles ; une manoeuvre similaire se fait
pour rejoindre la rive gauche après le pont du faubourg
d'Allier. Plus tard, un toueur à vapeur sera installé
entre la Jonction et le barrage.
En
1860, la chevrette est exhaussée. Cinq ans plus tard, le
barrage est divisé en deux passes de respectivement 35 mètres
et 62 mètres.
Les aiguilles sont remplacées par des hausses Chanoine,
panneaux mobiles rectangulaires en bois, plus pratiques que les
anciennes aiguilles.
Pendant
cette période, le travail du barragiste et de ses adjoints est
très dangereux : il leur faut, à la moindre alerte de
crue, abaisser les aiguilles ou les hausses ; cela se fait au moyen
de gaffes (le treuil ne sera installé qu'en 1865) ; le
relevage est encore plus délicat ; l'opération doit se
faire très rapidement et de nombreux ouvriers - souvent des
verriers - viennent donner de l'aide, moyennant une rétribution.
La cloche qui surmonte la maison du barragiste sert aussi à
alerter les sauveteurs en cas de noyade ou lorsqu'un chaland
descendant se met en travers.
Les
améliorations apportées au barrage
au XXe
siècle .
C'est
en 1933 que les travaux les plus importants ont donné au
barrage son aspect actuel. A la place des fermettes et des hausses
Chanoine, il a été décidé de placer des
portes métalliques beaucoup plus robustes, mais aussi beaucoup
plus lourdes. Il n'était plus question de les manoeuvrer à
la main. Aussi, une passerelle formée de poutrelles
métalliques a-t-elle été bâtie au-dessus
du barrage ; un chariot circule sur des chemins de roulements ; ce
chariot supporte une cabine, un treuil à moteur électrique
et une flèche qui peut relever ou abattre les portes.
Les
travaux s'effectuent en juillet et août 1933. Les
établissements Baudin de Châteauneuf-sur-Loire réalisent
la passerelle, la société Applevage fournit le chariot
et les appareils électriques.
Depuis
1933, plusieurs campagnes d'entretien ont lieu régulièrement
: renforcement du radier par enrochement, mise en peinture de
l'ensemble métallique (en 1957 et 1975).
Une
micro-centrale au fil de l'eau est installée en 1985-1986 et
mise en fonctionnement en 1987
; elle est équipée de deux turbines de type Kaplan de
2000 kw chacune. Les turbines tournent à 1000 tours-minute ;
quand elles sont en action toutes les deux, elles brassent chacune 23
m3. Le courant produit est en 5000 volts. Un
transformateur le change en 20000 volts et le courant est ensuite
transmis à la ligne életrique E.D.F. qui longe le
barrage.
La
digue déversoir est modifiée, une passe à
poissons est construite à son extrémité.