Le toueur Ampère V.
Collector et timbres émis par le Cercle Philatélique de Decize, Saint-Léger-des-Vignes et Environs à l'occasion de la Bourse Multi-collections de Saint-Léger-des-Vignes, 9 février 2013. Valeur d'affranchissement des timbres LP 20 g.
Photos : Christian Cousson.
Le
Toueur Ampère V
Le
barrage de Saint-Léger, construit en 1836, a permis de relever le
lit de la Loire sur un bief navigable toute l'année, long de 2100
mètres, entre le canal du Nivernais et la Jonction du canal Latéral
à la Loire. En période de basses eaux, les portes sont toutes
relevées, elles sont abattues lors des crues.
Mais
il restait à traverser ce bief. A une époque où toutes les
péniches étaient tractées par des animaux, la manœuvre
était complexe. Un bateau s'arrêtait en Loire sous le bassin de la
Jonction. Pendant que les ânes ou chevaux traversaient Decize et
Saint-Léger par les ponts, le batelier traversait la Loire en barque
avec un câble de remorque ; puis il faisait haler son bateau sur la
rive, entre la Boire et la pointe des Halles. Même manœuvre
pour passer des Halles au canal du Nivernais. Cela prenait parfois
une demi-journée, avec des risques de chavirage face au barrage,
quand la péniche était poussée latéralement par un fort courant,
avec aussi des difficultés pour croiser une péniche allant en sens
inverse.
Pour
permettre une traversée plus sûre, un service de touage est
organisé en 1869. Un petit remorqueur à vapeur prend en charge les
péniches, d'un canal à l'autre. Ce premier toueur, baptisé Le
Petit Tonin,
est affermé à M. Semé le 6 mars 1869. Il est ensuite géré par
Mme Veuve Corvol, puis par M. Tripet-Rocher en 1881. Ce dernier fait
faillite en 1900. L'affaire est reprise par sa belle-fille, Mme
Tripet-Bossuet. Et, en février 1906, le toueur s'échoue et coule
près de l'écluse de Loire, au moment où sa gestion est confiée à
M. Coulon. Le renflouage est réalisé par l'entreprise Moine, de
Decize. La machine à vapeur est refaite par M. Pougault, garagiste à
La Machine.
Le
Petit
Tonin est
remis en circulation en mars 1907. Il mesure 26,65 m de long sur 4,80
m de large. Son enfoncement est de 0,90 m. Il est muni d'une chaîne
de 1800 mètres, le long de laquelle il se déplace au moyen de trois
tambours entraînés par une machine à vapeur de 25 chevaux.
L'équipement du toueur comporte également deux ancres, des perches
(gaffes), des godilles (patouilles), des bachots, divers cordages et
quatre bricoles (harnais permettant à des hommes de haler les
péniches). Le capitaine de ce toueur est Pierre Augendre, il est
aidé dans ses manoeuvres par deux matelots et par le barragiste.
En
novembre et décembre 1910, le toueur est en panne. La machine est
révisée. Les mariniers, mécontents, signent une pétition, car on
leur impose 45 jours de chômage. La municipalité de Saint-Léger
leur distribue des aides. Le concessionnaire n'est pas content, lui
non plus, car son compte d'exploitation est négatif : 24000 francs
de dépenses contre 15084 francs de recettes. M. Coulon aimerait
imposer le touage à tous les bateaux, or certains se passent de ses
services (environ un sur cinq à la remonte et un sur trois à la
descente). Les tarifs sont relevés, ils passent à 0,16 franc par
tonne à la remonte et 0,08 francs par tonne à la descente.
L'administration
envisage quelque temps d'acheter un nouveau toueur. Plusieurs
entreprises spécialisées sont contactées, mais aucune décision
n'est prise. Le toueur à vapeur cesse de fonctionner en avril 1920.
Son pilote assure tant bien que mal le service jusqu'en mars 1928 :
avec deux barques, deux remorques de 300 mètres et leurs attelages
de chevaux et d'ânes, les mariniers parviennent à faire passer les
péniches d'un canal à l'autre. Ce trafic cesse lorsque le pilote
quitte Decize. Il est alors nécessaire de trouver une solution.
En
1933, le service du touage est concédé à la Chambre de Commerce et
d'Industrie de la Nièvre. Un nouveau toueur est construit par les
établissements Quille, une entreprise du Nord. Il est acheté pour
le prix de 229349 francs. La chaîne, entièrement nouvelle, coûte
24550 francs.
Le
toueur Ampère
V
fonctionne avec deux moteurs diesel (20 cv et 10 cv, fournis par la
Compagnie Lilloise des Moteurs), accouplés à des génératrices
électriques. Sa chaîne passe à l'intérieur de deux roues dentées.
Il effectue chaque jour un aller et retour d'un canal à l'autre. Son
port d'attache est situé sur le canal du Nivernais, environ 50
mètres en amont du barrage. Les capitaines successifs du toueur se
nomment MM. Languinier, Bocque, Masselon, Vigneron et Blanchard.
Le
toueur Ampère
V
commence sa carrière à une époque où de plus en plus de bateaux
automoteurs empruntent les canaux. Aussi sa faible rentabilité
est-elle souvent critiquée.
Après
les deux explosions qui détruisent le pont du faubourg d'Allier (en
juin 1940 et septembre 1944), la navigation devient dangereuse.
Plusieurs péniches heurtent des blocs de béton qui n'ont pas pu
être dégagés. Les premières passerelles posées en juillet 1940
ont été construites sur ordre des Allemands au ras de l'eau, ce qui
interdit la navigation. Une autre passerelle est posée quelque temps
plus tard d'une culée à la pile centrale. Pendant l'automne
suivant, deux péniches s'ensablent, le toueur lui-même est bloqué
et il faut l'intervention de deux locomotives routières pour le
dégager. Après la deuxième destruction du pont, la passerelle
provisoire inaugurée en janvier 1945 est fragile et de nouveaux
blocs de béton réduisent le chenal. Le 9 mai 1946, une péniche
chargée de sable, le
Mousqueton,
heurte ces décombres, une voie d'eau se déclare et le bateau doit
être vidé et immobilisé en cale sèche à Saint-Léger.
La
passerelle ne supporte pas la crue, qui l'emporte deux ans plus tard.
Le chenal est à nouveau balisé. Le 18 septembre 1948, le service de
la navigation impose à tous les automoteurs d'être tirés par le
toueur pendant le temps nécessaire à la construction de la seconde
passerelle (ouverte à la circulation en novembre).
Après
la Deuxième Guerre mondiale, le toueur continue ses va-et-vient mais
les bateaux qu'il tractionne
sont de plus en plus rares :
-
en 1956, 477 bateaux tractionnés, contre 426 bateaux automoteurs,
passent le bief de Loire, pour un total d'environ 80000 tonnes ;
-
en 1965, 118 bateaux tractionnés, contre 417 automoteurs, pour
environ 50000 tonnes.
Les
bateaux qui doivent être tractionnés par le toueur sont de vieilles
péniches chargées de sable ou d'argile : le
Crabe, l'Etoile, le Flotteur, le Saint-Léger, le Blason,
des barges d'entretien.
En
décembre 1974, le toueur tire ses derniers bateaux, le
Deauville
et le
Félicien.
Pendant l'été précédent, il n'a tiré qu'une seule péniche
chargée de 228 tonnes de céréales.
Après
40 ans de bons et loyaux services, le toueur est immobilisé le long
du canal du Nivernais. Il y reste abandonné à la rouille, à demi
coulé, jusqu'en 1997 : il est sorti de l'eau, la coque est
repeinte et
Ampère V
est placé sur le quai du canal, face à la mairie de Saint-Léger.
Depuis
2010, un petit Centre d'Interprétation, ou Musée du Toueur, a été
installé dans un bâtiment près du barrage. Le toueur Ampère V a
été replacé sur cales tout à côté.
Sources :
VOLUT
Pierre, Decize
et son canton au XIXe siècle et à la Belle Époque,
1999, pp. 67-69.
VOLUT
Pierre,
Decize et son canton autour de la Seconde Guerre Mondiale,
2004, pp. 343-346.
VOLUT
Pierre, La
Navigation et le Touage dans le bief de Loire à Decize et
Saint-Léger-des-Vignes, in Le Marteau-Pilon,
Les Amis du Vieux-Guérigny, 2013, pp. 51-62.
ROLAND
Serge, Le
Barrage de Decize sur la Loire,
Mémoire de recherches, V.N.F. Subdivision de Decize.
Centre
d'Interprétation du Toueur,
www.nievre.fr/.../centre-d-interpretation-touristique-culturel-de-st-leger-des-vignes.ht...
cc-loire-foret.fr/tourisme/centre-dinterpretation-touristique-et-culturel-du-toueur/
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